La Guerre de Cent Ans Vol 5 : Triomphe et Illusion de Jonathan Sumption retrace la chute de l’Angleterre et le triomphe de la France pour mener à sa conclusion l’histoire épique en cinq volumes.
Avec Triumph and Illusion, Jonathan Sumption a, après plus de trois décennies de labeur et 4 000 pages, mené à sa conclusion son histoire épique en cinq volumes sur la guerre de Cent Ans. Dans ce dernier volume, il nous emmène de 1422 – l’année où Henri V mourut après avoir remporté des succès spectaculaires – jusqu’à 1453, lorsque son fils, Henri VI, subit une perte totale. Du point de vue français, ces dates représentent la mort ignominieuse du fou Charles VI et la victoire ultime de son fils, Charles VII.
Le dénouement de la guerre est plus intéressant que ses origines confuses, lorsque la mort de Charles IV de France en 1328 marqua la fin de la dynastie capétienne et son remplacement par celle des Valois. Cette situation, associée aux tensions incessantes entre l’Angleterre et la France (la première détenant toujours la Gascogne, la seconde explorant ce territoire sous la direction de son nouveau monarque agressif, Philippe) a créé un moment opportuniste pour qu’Édouard III d’Angleterre revendique le trône de France via sa mère, Isabelle de France. Que l’Angleterre ait pu soutenir la guerre, même de façon intermittente, contre une population peut-être six ou sept fois supérieure à sa population pendant plus d’un siècle est remarquable ; mais le résultat était sûrement inévitable (ou aussi « inévitable » que l’histoire le permet). Sumption retrace la chute de l’Angleterre, induite en erreur par l’illusion, et le triomphe de la France avec énormément de détails pour montrer comment cela s’est produit.
La remarquable victoire d’Henri V à Azincourt en 1415 semble marquer le début d’une nouvelle période de domination anglaise sur le champ de bataille et d’un retour aux jours grisants de Crécy dans les années 1340. Avec ses alliés bourguignons, Henri avait conquis la France jusqu’à la vallée de la Loire, laissant le dauphin déshérité Charles tenter de récupérer ses terres et son titre ; les dispositions du Traité de Troyes de 1420 avaient vu l’enfant Henri VI d’Angleterre également devenir roi de France dans la double monarchie. Malgré la mort prématurée d’Henri V en 1422, l’Angleterre continua à prospérer en France pendant quelques années sous le commandement compétent de son frère, le duc de Bedford. Selon Sumption, Bedford est un protagoniste rare salué pour ses qualités positives : « un administrateur compétent et un politicien avisé doté d’un esprit incisif », le « au nez en bec » Bedford « a réussi à combiner une manière affable avec une présence imposante et une habitude. d’autorité ». Mais malgré sa victoire lors de la bataille de Verneuil, souvent négligée, en 1424 (« le combat le plus sanglant de la guerre de Cent Ans », selon Sumption, parmi de puissants adversaires), même Bedford ne put tenir le coup que très longtemps.
L’histoire montre à maintes reprises que les faits peuvent être plus étranges que la fiction, comme ici, lorsqu’une adolescente paysanne analphabète a provoqué l’effondrement de l’Angleterre. L’histoire véritablement sensationnelle et presque incroyable de Jeanne d’Arc dépasse l’entendement. Sumption fait bien d’expliquer comment elle a inversé la tendance contre les Anglais sur un ton mesuré et factuel. Il consacre quelque 120 pages au phénomène de Jeanne, et son importance est encore suggérée par la couverture du livre qui représente le siège anglais d’Orléans en 1429, que Jeanne leva, la désignant comme la sauveuse du dauphin et l’ennemi juré de Bedford. Jeanne veilla à ce que Charles soit couronné Charles VII de France à Reims cette année-là ; Bedford a pris sa revanche en 1431 avec le procès-spectacle et l’exécution de Jeanne. Cela dit, il convient de rappeler que son procès et sa mort furent commis par des Français dont beaucoup, même à la cour du dauphin, « s’étaient toujours sentis mal à l’aise face à ses visions et à sa tenue masculine ».
En fin de compte, des questions plus prosaïques chassèrent les Anglais de France. Le véritable tournant intervient avec l’effondrement de l’alliance anglo-bourguignonne en 1435 (l’année de la mort de Bedford) et la perte de Paris l’année suivante. À partir de ce moment-là, les Anglais ne purent plus faire grand-chose pour contrer le poids des facteurs défavorables, en particulier après que Charles ait effectivement lancé une fiscalité de guerre et une armée permanente à une échelle qui laissait loin derrière les efforts budgétaires inadéquats de l’Angleterre. Lorsque l’Angleterre a tenté d’imiter de telles politiques, cela a conduit à une surexploitation contre-productive de l’économie et du commerce. Plus la France reconquiert de terres, plus son assiette fiscale s’agrandit ; Malheureusement, c’est le contraire qui se produit pour les Anglais. Comme le note Sumption, toujours excellent en matière financière : « Le facteur limitant de tout ce que les Anglais faisaient en France était l’argent. » Les défaites, le manque de financement et la perte de confiance (en particulier de la part de la faction pacifiste anglaise) ont aggravé les problèmes de recrutement : les garnisons en Normandie étaient maigres et incapables de compléter les armées de campagne de manière significative. L’élan militaire de la France fut accéléré par l’élan politique et, en 1453, la guerre de Cent Ans était effectivement terminée, ne laissant que Calais aux mains des Anglais. Tandis que la France faisait la fête, l’illusion perdurait en Angleterre pendant des siècles. Ce n’est qu’en 1802 que ses monarques cesseront de revendiquer la couronne de France.
Tout au long du livre, Sumption veille à ce que le poids des détails – qui concernent souvent des questions politiques et diplomatiques complexes – soit allégé par des anecdotes et des révélations surprenantes qui maintiennent le récit en suspens.
Tout au long du livre, Sumption veille à ce que le poids des détails – concernant souvent la politique et la diplomatie complexes – soit rehaussé d’anecdotes et de révélations surprenantes qui maintiennent le récit vivant et qui nous rappellent la pure étrangeté et l’horrible brutalité du Moyen Âge. Après la chute d’une ville, un soldat ennemi est apparu au-dessus de sa porte avec la tête coupée d’un des défenseurs et l’a empalé sur une pointe ; la mère de la victime attendait la rançon « dans la foule en contrebas avec un sac plein d’argent ». La puissante noble Jacqueline de Bavière s’est évadée de façon spectaculaire de sa cellule de prison, habillée en homme. En 1426, on rappela aux membres d’un parlement anglais qu’ils n’étaient pas autorisés à porter des épées ou des armes ; ils cachaient donc des clubs et des pierres dans leurs longues capuches et leurs manches.
Il s’agit d’une véritable histoire narrative grandiose dans sa forme la plus épique. Forts de l’autorité de décennies de recherche, les cinq volumes constituent désormais l’ouvrage essentiel sur le conflit et seront référencés par les historiens pour les générations à venir. Une réalisation singulière.